En e-Santé, la finalité recherchée est noble, d'un point de vue social et sociétal

Alerte nouvelle rubrique ! Hospitalia ira, chaque trimestre, à la rencontre d’une personnalité de l’écosystème santé pour mieux connaître la femme ou l’homme derrière la fonction. Nous inaugurons cette série de portraits avec Christophe Boutin, Président du groupe Maincare Solutions, qui nous dévoile les raisons derrière son engagement en faveur de la e-santé. Par Joëlle Hayek

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Vous avez une double formation en génie civil et technologies de l'information. Pouvez-vous nous dérouler votre parcours ?


Christophe Boutin : J’ai en effet couplé ma formation initiale d’ingénieur à un diplôme d’études supérieures en informatique et technologies de l’information. Cette double compétence m’a permis d’exercer plusieurs métiers dans le secteur de la high-tech : développeur informatique, directeur technique, directeur marketing, directeur général, … je les ai quasiment tous pratiqués, si ce n’est la direction financière ! Cette polyvalence a certainement joué en ma faveur lorsque j’ai été recruté en 2007 à la présidence des filiales McKesson France et Pays-Bas ; ma connaissance des différents métiers a aussi facilité le dialogue avec les équipes internationales pour atteindre les objectifs locaux. Il faut dire que les enjeux étaient alors de taille : poussé par le Plan Hôpital 2007, le secteur de la e-santé connaissait une certaine frénésie avec le déploiement des premiers dossiers patients informatisés (DPI) et le passage d’une vision administrative à une vision médicale. Il nous fallait donc repenser notre stratégie pour relever cet enjeu tout en tenant compte des spécificités du marché français.
 

Lesquelles ?


Le numérique de santé en France accusait un réel retard par rapport à d’autres secteurs d’activité en termes de transformation digitale et l’industrie, côté fournisseurs, restait plutôt artisanale par rapport à l’importance des enjeux. Pour autant, l’informatique est progressivement devenue un levier de plus en plus fondamental pour les établissements de santé, en France comme partout ailleurs dans le monde. Sans numérique, il est difficile, voire impossible, de concilier d’une part l’augmentation des besoins sanitaires et des exigences qualité, et de l’autre les impératifs économiques car tous les systèmes de santé sont sous tension. C’est pourquoi, si mon arrivée dans le monde de la e-santé s’est un peu faite par hasard, il m’a rapidement passionné.
 

Quelle dimension vous a plus particulièrement intéressé ?


Tout, ou presque, était à construire sur le plan numérique ! C’est encore le cas aujourd’hui, avec par exemple l’arrivée des stratégies de parcours, de télémédecine ou de l’intelligence artificielle. Accompagner ces évolutions est d’autant plus captivant que la finalité recherchée est sensiblement plus noble, d’un point de vue social et sociétal, par rapport à d’autres secteurs : il s’agit in fine de transformer les organisations sanitaires pour renforcer la qualité, la sécurité et la continuité des soins. Les premiers bénéficiaires sont les patients… or nous sommes ici tous concernés.
 

Cette dimension humaine est votre moteur, encore aujourd'hui.


En 2014, lorsque la branche européenne de McKesson a souhaité prendre son autonomie, je suis en effet devenu entrepreneur et investisseur avec la création de Maincare Solutions. Au-delà de mon intérêt pour la e-santé au sens large, pour la noblesse de la cause comme je l’évoquais précédemment, chaque projet auquel j’ai participé a été une incroyable aventure humaine et d’innovation. Dans chaque établissement, j’ai rencontré des professionnels très impliqués dans la modernisation de leur structure, très au fait des enjeux collectifs, et avec lesquelles se sont nouées des relations de confiance. Cela m’a motivé à poursuivre mon engagement en faveur de la e-santé avec Maincare Solutions.


Justement, vous évoquiez plus haut les spécificités structurelles du marché français. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur lécosystème dans sa globalité ?


Il reste très émietté et parfois peu lisible, avec des éditeurs industriels en concurrence frontale avec des acteurs publics. En conséquence, les acteurs industriels nationaux ne sont pas vraiment taillés pour l’export, alors que le développement à l’international représente un levier significatif de croissance – et donc de pérennité, eu égard à la faiblesse récurrente des budgets S.I. hospitaliers en France. La tendance actuelle, avec la constitution des 135 groupements hospitaliers de territoire et des 18 grandes régions, contribuera à mon sens à apporter cette structuration qui fait aujourd’hui défaut. Nous voyons se multiplier les projets particulièrement ambitieux, en écho aux nouveaux programmes nationaux et au plan « Ma Santé 2022 » – comme par exemple Prédice pour l’ensemble de la région Hauts-de-France, qui est un projet modèle et certainement l’un des plus importants sur le plan européen.
 

N'est ce pas là un développement positif ?


Oui, sans nul doute. Mais peu de fournisseurs sont aujourd’hui en mesure de mener autant de projets complexes en parallèle, et surtout de les accompagner sur le long terme en tenant compte de la temporalité propre au secteur hospitalier – les cycles y sont en effet longs, de l’ordre de deux à quatre ans. Un tel rythme me convient : il permet de travailler sur la durée de manière à respecter au mieux la trajectoire de chaque client. Pour Maincare Solutions, c’est une grande opportunité. Nous sommes devenus une ETI française, positionnée comme l’une des locomotives de la e-santé en France avec aujourd’hui, 700 collaborateurs et 80 M€ de CA. L’innovation est au centre de notre modèle avec plus de 300 ingénieurs R&D, certainement la plus grosse capacité d’innovation e-santé en France. Nous avons triplé de taille en 10 ans, mais il reste un fort potentiel de croissance. Santé financière, innovation et capital humain sont les 3 piliers des années à venir. Sur le plan stratégique, la compréhension de ce qui se passe en dehors de l’établissement (au domicile, en ville, dans les réseaux de soins) va devenir capitale pour les acteurs de la « health tech ».


La structuration du marché de la e-Santé vous semble donc aujourd'hui nécessaire.


Tous y gagneront à terme, puisque ne resteront que les éditeurs/intégrateurs bien implantés en France, bien au fait des spécificités du marché hospitalier et qui disposent d’une puissance de feu suffisante pour tenir sur la durée. C’est quelque chose que nous nous sommes attachés à anticiper très en amont, en structurant Maincare Solutions de manière à répondre aux particularismes français, et en consacrant près de 30% de notre chiffre d’affaire au développement de l’innovation en e-santé. Cela est à mon sens d’autant plus nécessaire que nous travaillons sur des projets qui engagent les organisations pour 10 à 15 ans. La période actuelle, avec la multiplication de projets innovants et structurants pour l’avenir, est à ce titre particulièrement passionnante sur le plan technique et technologique, mais aussi et surtout sur le plan humain car cette notion d’entraide est centrale pour Maincare Solutions.